L’on
commença par construire une digue sur ma rive gauche : cela avait un but
louable, celui d’augmenter la surface cultivable déficitaire de la région.
La réussite de cette première expérience
entraîna nos humains à faire l’équivalent sur ma rive droite.
L’augmentation
de la population fit qu’on n’hésita pas à prélever dans mon lit, le
tout-venant nécessaire à la réalisation de ce nouvel urbanisme. Ces prélèvements
devenant de plus en plus importants, entraînèrent à la fois, une modification
conséquente de mon cours et une dégradation du pied des digues qu’il fallut
renforcer périodiquement.
C’est
à partir de là que commencèrent les vrais ennuis.
Grâce
aux résultats positifs de ces premiers endiguements, il fut décidé de
poursuivre la réduction de mon lit. Pour cela, on fit appel à différents
techniciens qui me mesurèrent en X. Y. et Z ainsi qu’en débit ; cela
leur permirent de construire ma maquette exacte ou presque, afin d’en définir
la largeur minimum nécessaire au passage de mes crues. C’est
ainsi que nos grosses têtes réussirent, contre toute logique, à réduire en 6
Kms, la largeur de mon lit, de 300 mètres à 175 mètres, ce qui, à ma
connaissance, n’a jamais été réalisé à l’embouchure d’autres
fleuves...Bien
sûr, des ha de terrains furent récupérés, non pas pour faire pousser des légumes, peu rentables, mais pour y implanter des
industries, des supermarchés ou toute autre activité.
Tout
cela commençait à m’horripiler sérieusement et je devais réagir.
D’abord,
afin d’arrêter l’énorme quantité de matériaux que l’on me prélevait,
je décidais d’abaisser le niveau de leur nappe phréatique. Afin de relever
celle-ci, ils réagirent violemment en barrant mon cours par des petits ouvrages
qu’ils baptisèrent seuils. Ceux-ci
remplirent bien leur office durant un certain temps ; celui qu’il me
fallut pour combler de fins sédiments, ces petites retenues.
Malheureusement,
une fois comblés, ces ouvrages devinrent des tremplins facilitant mon passage
par-dessus les digues ; ce que je fis plusieurs fois (pour me venger).
Avant
le XXème siècle, mon cours qui n’avait pas encore subit les idées
saugrenues des hommes, s’étalait librement à son arrivée en mer, entre
Ferber et Cros de Cagnes.Durant
plusieurs millénaires, mes eaux turbides déposèrent leurs sédiments dans cet
espace, créant ainsi, ce que l’on appelle aujourd’hui un Delta."
Conséquences
sur l'érosion du littoral
"Le
VAR nous ayant raconté tous
ses petits malheurs, voyons les
problèmes que ceux-ci engendrèrent sur notre littoral.
Tout
d’abord, ce grand plateau naturel qui n’était plus alimenté en sédiments
depuis plus d’un siècle, à cause de l’endiguement de la rive gauche, fut
érodé jusqu’à une profondeur de quinze
mètres environ ; sachant que l’énergie des plus fortes vagues se limite
à cette profondeur.
Afin
de récupérer cette surface, des ingénieurs eurent l’idée de reconstituer
artificiellement, ce que le VAR n’apportait plus naturellement.
Différentes
techniques furent utilisées à la fois, pour le transport et le compactage des
matériaux, en provenance de la colline de CREMAT. Si
le transport se passa bien, il n’en fut pas de même pour le compactage qui ne
fit qu’ébranler et liquéfier la masse totale des remblais naturels
et rapportés. De
plus, il est fort possible que ce compactage (dit dynamique) eut pour effet, de
créer un barrage souterrain contraignant la nappe phréatique à se mettre en
charge et à engendrer peut-être, la catastrophe de 1979.
Mis
à part ce triste épisode, bien d’autres soucis se firent jour après tous
les aménagements réalisés sur le Fleuve.
Par
exemple, causé par l’accélération des eaux, due à l’étranglement, un
thalweg s’est créé, où se précipitent
toujours les quelques galets ayant échappé à tous les pièges (prélèvements,
retenues, etc.).
Il
est certain qu’aujourd’hui, plus aucun galet ne vient alimenter nos plages ;
leurs surfaces diminuent à vue d’œil à
un point tel que les ouvrages environnants (routes, voies ferrées, ports etc..)
sont en danger.
Par
contre, une arrivée massive de sable est inquiétante. D’où provient-il ?
On
sait que les matériaux mis en place sur le plateau naturel du Delta sont composés
de pouding, lui-même étant un agglomérat de galets, de sable et de limons
argileux, le tout étant aujourd’hui, assaisonné par les effluents des
décharges et des stations d’épuration.
Toutes
ces nouvelles matières deviennent une proie facile à attaquer et à déplacer,
quand la mer est grosse par vent d’Est. Les
galets eux, sont piégés par le thalweg nouvellement créé. Par
contre, le sable et les limons happés et transportés par les fortes vagues et
les courants, se déposent tout au long du littoral entre Saint-Laurent-du-Var
et Antibes.
Si
ce sable provient des remblais, cela voudrait dire que la plate-forme de l’aéroport
est en danger. Il y a donc lieu, à l’avenir, de remettre en question
certaines techniques d’utilisation des sols, mais aussi la régularisation des
cours d’eau à l’intérieur des terres par des barrages, des digues ou des
retenues.
En
résumé, en examinant une carte du bassin méditerranéen, on est frappé de
constater l’absence d’aménagements tels que ports, aérodromes etc. sur les
deltas des grands fleuves se jetant dans une mer sans marée."
Le
25 juillet 2004-
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